Les récits de voyage et la mémoire collective ont gardé le souvenir du roi Kpasὲ (Kpassè) comme le fondateur de la localité de Gléxwé, embryon de ce qui sera la ville de Ouidah. L’année de la fondation de cette localité n’est pas connue avec exactitude. Mais, nous pouvons dire qu’elle est antérieure à 1580. Ancienne ferme du roi de Saxé (Savi) marquée par la culture xwéda, Ouidah a connu un développement fortement lié à l’histoire de la traite négrière dans le Golfe de Guinéeᵌ. D’abord centre commercial par excellence du royaume de Savi, cette ferme devenue Ouidah, «fut progressivement intégrée dans le commerce triangulaire et particulièrement la traite négrière» (F. Iroko 2003).
Vers la fin du XVIe siècle, la traite négrière était devenue pour les Européens un impératif. La consommation du café, du sucre, du tabac est entré dans les mœurs européennes. L’apparition de nouveaux besoins légitime la colonisation de terres fertiles. Tenus par cette nécessité, les Européens vont chercher des ports qui pourraient assurer la libre continuation de la traite esclavagiste. D’où la ruée vers Gléxwé et la construction de nombreuses maisons de commerce fortifiées. Ainsi, s’ouvre pour Gléxwé l’ère des forts européens. Ouidah a connu au moins trois (03) forts. Le premier est le fort français ou « Fort royal Saint-Louis de Grégory » construit en 1671. Il a disparu du paysage de la ville. Mais son ancien emplacement est transformé en jardin public. Le « Fort Williams » des Anglais construit en 1682 est le second. Il a aussi disparu du paysage urbain de Ouidah. Connu au départ sous le nom de « forteresse Césarienne notre Dame de la Délivrance», le troisième fort est celui des Portugais bâti en 1721. Il prit le nom de « Fort Saint Jean-Baptiste d’Ajuda» et abrite de nos jours le Musée d’Histoire de Ouidah. Ainsi, dès la fin du XVIᵉ siècle et jusqu’au début du XVIIIᵉ, le royaume de Saxé ou Savi, aux côtés de celui de Alada participe activement au commerce de l’esclave. Avec la conquête par le roi Agaja de ces deux royaumes, le centre de ce commerce aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles passe à Agbomὲ (Abomey), capitale du royaume de Danxomὲ. Tour à tour ferme du roi xwéda, de Saxé ou Savi, Gléxwé plus tard Ouidah sera la ville commerciale du royaume xwéda de savi puis porte océane de Savi et de Danxomὲ (Danhomè).
«Mais Ouidah, c’est aussi un lieu de retour qui a accueilli des milliers d’Afro-brésiliens après l’abolition de la traite négrière. La ville de Ouidah aujourd’hui est profondément marquée par l’impact de ces flux et reflux aussi bien sur le plan architectural (le style afro-brésilien) que sur le plan social (influence de la culture de retour à travers les noms portugais, les habitudes vestimentaires et culinaires…) » (EPA, 2008, p 27). Ce patrimoine matériel et immatériel riche et varié recèle un important potentiel touristique que renforce la «Route de l’Esclave» longue d’environ trois kilomètres et demi, matérialisation des principales étapes historiques du parcours des esclaves. Il s’agit entre autres de la Place des transactions (Place Chacha); l’Arbre de l’oubli (lieu de rituel); la Place zomayi (lieu de « marchandisation »); le Mémorial de Zungboji (lieu de commémoration); la Porte du non-retour (lieu de commémoration). Avec cette « Route de l’Esclave », Ouidah représente, avec une forte charge émotive, un témoignage pathétique de la tragédie vécue par des milliers de Noirs, arrachés à leur terre pour des contrées lointaines inconnues.
« Parcourir aujourd’hui cette piste et franchir la porte du non-retour pour aboutir à l’océan invite à comprendre intimement la triste expérience de la déportation ». (EPA, 2008, P 28).