Le royaume de Danxomὲ et l’épopée des amazones : histoire du 1ᵉʳ régiment militaire féminin du monde

Édifiée au début du XVIIe siècle, la monarchie de Danxomὲ (Danhomè) est incontestablement un des plus importants royaumes des côtes ouest-africaines. Son expansion territoriale se fait à partir de sa capitale Agbomὲ (Abomey), sous le règne de Dada Xwegbaja (roi Houegbadja) (1645-1685) dont la devise était de «faire le Danxomὲ toujours plus grand». Basé sur un pouvoir politique centralisé, le royaume de Danxomὲ est un État conquérant. Ainsi conçue, la royauté de Danxomὲ dispose d’une armée non seulement permanente et performante mais comptant aussi en son sein des femmes combattantes. Il s’agit des «fameuses amazones qui vont faire la gloire militaire de Guézo d’abord, et plus tard celle de Gbèhanzin (Béhanzin) (1890-1894) son petit-fils» (Djivo A., 1977, P 67-68). Mentionnons cependant, qu’il est aujourd’hui difficile de dire précisément quand les femmes soldats ont été intégrées dans l’armée de la monarchie. Mais si les historiens peinent à dater précisément leur origine, c’est surtout à partir du XIXe siècle, sous le règne de Dada Gézo, (roi Guézo) que le corps militaire se structure pour devenir l’unité d’élite féminine du roi, lui jurant fidélité jusqu’à la mort. «Si les femmes guerrières ou amazones existaient déjà dans l’armée danxoméenne ( certaines publications référencent l’origine de leur existence au règne du Roi AGADJA, plus précisément à sa fin de règne ; lorsque TASSI HANGBE, la sœur jumelle du Roi prit la succession ponctuelle du Roi dans un accident d’histoire), c’est Gézo qui en fit une troupe d’élite extrêmement disciplinée, combattante avec euphorie et furie, prête à intervenir dans les situations les plus désespérées» (Alladayè J. C., 2008, Pp 92-93).

Pour créer le corps des amazones, Gézo dispose de nombreuses jeunes filles et femmes dans ses palais. Le recrutement se fait aussi par d’autres voies. Certaines jeunes femmes y viennent volontairement. D’autres, difficiles dans le ménage et dont les maris se sont plaints au roi, sont incorporées d’office. Le service militaire les discipline; l’entêtement et la force de caractère qu’elles manifestent dans la vie conjugale sont utilement mis à profit dans l’action militaire.

Éléments des forces armées, les amazones sont, au-dedans et au-dehors des demeures royales, les gardes du corps du souverain. Sur les champs de bataille, elles protègent le roi et prennent part activement aux combats, se sacrifiant au besoin sans la moindre hésitation.

Elles ne peuvent ni se marier ni avoir d’enfants tant qu’elles appartiennent à l’armée, la maternité étant un obstacle à l’activité guerrière pour laquelle elles sont formées et à laquelle elles doivent en principe se vouer toute leur vie. Cependant, elles ne sont pas dépourvues de sentiments féminins ou maternels. Devenues épouses royales ou données en mariage par le roi à quelque vaillant et fidèle serviteur, elles sont parmi les femmes du royaume les plus attachées à leurs devoirs conjugaux. Braves, courageuses, l’une de leurs motivations, souvent exprimée dans leurs chants, était de surpasser en tous points les hommes pendant les hostilités.

Leur entraînement était très intense. Il comprenait des exercices réguliers et des simulations d’attaques de grande ampleur, en particulier au XIXe siècle. Les femmes soldats développent ainsi leur force, leur souplesse, leur résistance et une volonté à toute épreuve. Elles y parviennent avec succès. Les écrits de voyageurs européens attestent qu’elles étaient mieux organisées, plus rapides et bien plus courageuses que les soldats masculins. Elles ne sont pas chaussées. Leur habillement se compose de vêtements courts: jupe ou culotte, tunique, le tout ceint d’une giberne. Leur armement est composé de gourdins, de couteaux, de lances et d’une sélection d’armes à feu achetées à des commerçants européens, notamment des mousquets, des carabines, des tromblons, des winchesters. Mais leur arme la plus redoutée est une épée en forme de machette d’un mètre de long. Le nombre de leurs régiments est variable: trois ou quatre. Ce sont les plus expérimentées qui les conduisent au combat, celles qui, lors d’expéditions antérieures, se sont particulièrement distinguées.

Tout au long de l’histoire du royaume du Danxomὲ, les femmes soldats se sont illustrées par leur témérité, leur combativité et leur obéissance absolue au roi. Sans leur sacrifice au combat, le royaume du Danxomὲ n’aurait sans doute jamais connu la renommée qui fut la sienne. Outre le souvenir qu’elles ont gravé dans la mémoire collective, de leur vrai nom Agojié ou Agͻnjié (Agondjié), les femmes soldats ont légué à l’actuelle République du Bénin des danses, encore pratiquées aujourd’hui à Abomey, des chansons et des légendes.


Une Amazone dahoméenne, d’après une photographie.
(Source : E. Reclus, L’Homme et la Terre, I).

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